Un rapport présentant la crise actuelle du logement pour les communautés affectées par l’explosion du port de Beyrouth du 4 août 2020 a été publié par Public Works Studio, lauréat d’une médaille d’or aux Prix Mondiaux de l’Habitat de 2021.
Le rapport, intitulé Homelessness in the Wake of Disaster (Le sans-abrisme à la suite de la catastrophe), présente les répercussions de l’explosion, les processus de rénovation et les mesures d’aide qui n’ont pas réussi à offrir une sécurité de logement aux locaux. En l’absence de politiques équitables de reconstruction, un nouveau modèle a émergé à Beyrouth dans le cadre duquel les ONG ont supplanté l’État et ont mis en œuvre un nouveau modèle dangereux de politiques qui menace la sécurité de logement et empêche toute réhabilitation équitable post-catastrophe. En réponse à ces conclusions, le rapport demande l’introduction de mesures pour lutter contre les violations actuelles des droits humains tout en promouvant des réformes publiques qui permettent de fournir une sécurité de logement équitable aux résidents des communautés touchées par la catastrophe.
Public Works Studio a présenté les amendements nécessaires à la Loi 194/2020 relative à la reconstruction afin de réduire et combattre cette crise :
- Modifier l’article 5 de la Loi 194/2020 pour prolonger les baux tout au long de la période de rénovation au lieu d’un renouvellement d’un an, adopter une politique zéro expulsion et promouvoir le rôle des autorités publiques et locales dans la fourniture de logements alternatifs ;
- Intégrer les appartements abandonnés et vacants dans les programmes de logement alternatif ;
- Créer un comité de coordination de la reconstruction qui inclurait tous les représentants des communautés affectées ;
- Approuver la liste des dégâts, la procédure de dédommagement et le calendrier pour sa mise en œuvre ; et
- Mettre un terme au privilège de Solidere et d’autres sociétés immobilières qui leur permet d’investir dans l’immobilier dans les régions affectées.
Ces recommandations s’inscrivent dans le cadre d’un appel plus large pour une politique globale de relance qui garantit le retour rapide des résidents, se concentre sur la relance des activités socioéconomiques, et implique les victimes et les résidents dans la planification, l’organisation, la coordination et la mise en œuvre.
Si ces mesures permettent de répondre aux besoins immédiats, Public Works Studio demande des changements plus pérennes pour éviter la marginalisation de la population, en
- règlementant le marché locatif en établissant des taux équitables selon des critères clairs et en utilisant exclusivement la monnaie nationale pour les loyers ;
- établissant les conditions d’expulsion conformément au droit international ;
- imposant des taxes progressives aux investisseurs immobiliers tout en introduisant des programmes de logement qui augmentent le parc de logements disponibles et inclusifs et aide les petits propriétaires dépendant de revenus locatifs ;
- encourageant les coopératives d’habitat via des mesures d’exemption fiscale et des financements potentiels ;
- mettant en œuvre des mécanismes de suivi pour garantir davantage de responsabilisation dans la fourniture de normes inclusives de logement ; et
- établissant des projets de logement qui sont conformes avec l’environnement local mais qui peuvent profiter aux groupes les plus défavorisés et les plus pauvres.
Deux ans après l’explosion, la ville est toujours confrontée à des problèmes causés par des mesures inéquitables de relance. De fait, ces mesures ont exacerbé l’insécurité de logement des groupes vulnérables, notamment des personnes âgées, des réfugiés, des migrants, des femmes et des membres de la communauté LGBTQ, et ont créé de nouveaux problèmes directement liés à des conditions préexistantes. Plus de deux-tiers (70%) des travailleurs migrants ont été expulsés, de nombreux propriétaires utilisant l’excuse de la rénovation pour expulser leurs locataires sans leur garantir de pouvoir retourner un jour dans leur logement. Les personnes LGBTQ, sans alternatives sûres, se retrouvent souvent dans des conditions précaires de logement, et la plupart des rapports de violation de logement concernent des femmes qui vivent seules, des mères célibataires, ou des femmes qui s’occupent seules de leur famille. Certains propriétaires ont essayé de saisir les livraisons d’aide des locataires et/ou ont expulsé des résidents syriens pour s’emparer de leurs boîtes de rationnement.
Ces problèmes s’inscrivent dans un environnement où l’État n’offre aucune protection équitable du droit au logement durant la crise économique, sanitaire et humanitaire. Après l’explosion, les arriérés de loyer représentaient plus d’un tiers (38%) des causes d’expulsion de locataires, ce qui démontre à quel point les locataires sont mal protégés après une crise. L’explosion a tué 200 personnes, blessé 7 000 autres personnes et déplacé environ 300 000 personnes. Elle a causé de nombreux dégâts dans les quartiers autour du site de l’explosion et plus de 1 120 bâtiments doivent être rénovés. Plus d’un an et demi après, les résidents de ces quartiers sont toujours déplacés ; on estime que seuls 30% des résidents des quartiers affectés de Beyrouth sont retournés dans leur logement.
Ce rapport a été compilé en utilisant différentes sources, incluant des visites de terrain, différents rapports et le Moniteur du logement, outil communautaire développé par Public Works Studio. Les études telles que celle proposée par ce rapport sont essentielles pour protéger et défendre les droits des personnes marginalisées dans le cadre du processus de reconstruction après l’explosion de Beyrouth.
Le rapport est disponible en arabe et en anglais ici. Vous pouvez également consulter les slides du rapport sur Instagram ici.
Si vous vous trouvez au Liban et si vous souhaitez dénoncer des violations de logement et des menaces d’expulsion, vous pouvez contacter le Moniteur du logement au 81-017-023 ou à l’adresse info@housingmonitor.org.
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